« Serpentard », scande le Choixpeau après une demi-seconde d’hésitation durant laquelle les souffles se sont coupés. Ce n’est une surprise pour personne, même pour Andromeda qui préfère les choses comme cela. Une armée de cousins applaudissent, bien moins cependant que n’a dû l’être Bellatrix lors de sa propre répartition quelques années auparavant. Applaudissements polis pour la plupart, mais la solidarité est bien là. Aussi réservée soit-elle, la brune fait partie de la famille et doit être accueillie comme il se doit.
Andie hoche la tête, peu convaincue par son appartenance au sein de sa nouvelle maison. À seulement onze ans, elle n’est pas encore consciente de ce qui la différencie du reste de la fratrie Black. Pourtant, elle se sait étrangère à toutes ces têtes qui l’applaudissent, à leurs valeurs, à tout ce qui les caractérise. D’un pas hésitant, elle rejoint sa grande sœur. Le décalage est pourtant bien présent.
« Welcome, sis’ », l’accueille Bella en lui faisant une place à ses côtés,
« et moi qui te croyais bonne pour Gryffondor ! T’es peut-être pas si différente, finalement ! » Andromeda sourit sans conviction. Elle ne le sait pas vraiment, mais les paris ont été pris et sa propre mère s’apprête à perdre quelques gallions.
« Tout le monde sait que les Blacks vont à Serpentard, Bella, dis pas d’idioties. », elle réplique.
Elle mord dans un petit pain.
« T’as sûrement raison », soupire Bellatrix en se servant à son tour,
« le tout c’est de commencer à te comporter comme telle. » Andie lève le regard vers sa sœur. C’est la première fois qu’on lui fait explicitement remarquer sa différence. On ricane autour d’elle. Un blond dont elle sait qu’il est un Nott, élève de deuxième année, attire son attention hors des railleries. La brune lui sourit. Petit à petit, l’attention se porte sur ses autres camarades de première année, tous bien plus intéressants qu’elle. N’importe qui le serait, après tout. N’importe qui.
all you touch and all you see is all your life will ever be.***
« Ted Tonks ? LE Ted Tonks ? Le SANG-DE-BOURBE ?! »« Shhhh ! Bon sang, Cissy, moins fort ! » Andromeda pose son doigt sur sa bouche comme si ça allait faire taire sa petite sœur. À part elles, il n’y a que deux personnes dans la salle commune de Serpentard. Les autres sont probablement déjà dans la Grande Salle à dévorer leur repas du soir. Les têtes se lèvent et Andromeda les toise, leur intimant de se mêler de leurs affaires en tirant Narcissa par le bras, dans le dortoir vide.
« C’est quoi, ça ? » grogne la brune, jetant un coup de menton au parchemin que sa petite sœur tient fermement entre les mains.
« C’était sur mon lit ! J’ai cru que c’était pour moi, puis j’ai vu sa signature et… » « Assez », l’interrompt Andie.
« Donne-moi ça. ».
La brune arrache le parchemin des mains de Cissy.
« Je te jure, j’ai rien vu d’autre que son nom ! » La blonde n’a que douze ans, et si elle a très bien assimilé qu’il n’est ni bien vu, ni en réalité vraiment autorisé quand on est Black de fréquenter des nés-moldus, elle est pour l’instant trop jeune pour ne pas avoir peur de sa sœur de quinze ans. Du moins, c’est ce que pense Andromeda, qui n’aura jamais d’explication sur comment ses correspondances se sont un jour retrouvées sur le lit de Narcissa.
« Andie, c’est quand même pas ton… vous êtes quand même pas… » La brune soupire.
« Non. On a potions en commun avec Poufsouffle et il s’avère que Slughorn a décidé de faire un devoir inter-maisons. Rien de plus. Maintenant, file. »Ce qu’Andromeda oublie de préciser, c’est qu’elle a béni le Professeur Slughorn durant des heures entières, à peine capable d’aligner trois mots l’un derrière l’autre alors qu’elle travaillait en binôme avec Ted Tonks. Ted est la coqueluche de sa maison, représentant fièrement toutes leurs qualités et doublé d’une beauté qui aveugle Andromeda depuis qu’elle l’a pour la première fois croisé en cours de botanique l’année précédente. Il faut le dire, Tonks fait trembler les cœurs, et la jeune Black, à l’heure des premiers émois amoureux, est heurtée de plein fouet. Quand bien même elle aurait le droit de le fréquenter, cependant, Andie doute bien fort qu’il puisse un jour s’intéresser à une adolescente aussi banale qu’elle.
Une fois la porte refermée sur Narcissa et enfin seule dans le dortoir, elle s’empresse d’ouvrir le parchemin.
Andromeda,
J’ai fait mes recherches concernant le philtre de paix. Je sais que ton emploi du temps est très chargé, mais peut-on se retrouver après le dîner pour en discuter ? J’ai tous les livres qu’il nous faut.
Je t’attendrai au pied de la tour d’astronomie.
T. Tonks
PS : as-tu trouvé un cavalier pour le bal de Noël ?L’estomac d’Andromeda ne fait qu’un tour et son cœur s’emballe. Elle en oublierait presque que sa petite sœur se doute de quelque chose. Pour l’instant, tout ce qui compte, c’est d’apprêter ses cheveux et d’ajouter une petite touche de mascara… tout en oubliant pas de faire semblant d’être totalement désintéressée.
"listen, son" said the man with the gun, "there's room for you inside"***
Elle ne fait aucun bruit. Retient sa respiration. Elle n’aurait pas dû les surprendre, pourtant elle se retrouve bien incapable de s’en aller, paralysée. Derrière la porte, Druella Rosier et son beau-frère Orion Black semblent discuter du sort de leurs fils et filles respectifs autour d’un verre d’hydromel.
« Cissy semble s’être amourachée du fils Malefoy, je ne lui aurais peut-être pas prédit cela, mais… » « Mais il est de famille respectable », acquiesce Orion,
« au sang propre. Andromeda, par contre… » La concernée se raidit un peu plus en entendant son prénom. Elle sait que les rumeurs vont bon train et qu’il est à présent de notoriété publique au sein de Poudlard qu’elle entretient une relation avec Ted Tonks depuis près d’un an. Les vacances de Noël ayant commencé, elle s’attend à ce que les quolibets s’étendent auprès des familles. Elle sait que sa mère a des doutes. Narcissa n’a jamais été bonne pour tenir sa langue et l’histoire de la lettre l’année précédente n’était pas passée inaperçue. Mais jusqu’à présent, les doutes n’étaient que des doutes et les suppositions ne sont pas suffisantes pour punir sa fille… en tout cas, Andie le pense.
« Le jeune Nott, il a dix-sept ans. Son père semble dire qu’elle l’intéresse. Il fera parfaitement l’affaire ! », Druella coupe son beau-frère au vol. Il est hors de question que ses soupçons soient avérés. Orion dodeline de la tête, reprenant une gorgée d’hydromel. Il étudie la question. Acquiesce à nouveau.
Andromeda serre les poings. Les yeux embués de larmes, elle refreine l’envie d’entrer en trombe dans la pièce. Se marier avec cet imbécile incapable de Nott, avec ses airs suffisants et son intelligence d’huître, ne la tenterait pas même si son cœur était libre. La brune n’a pourtant aucun doute sur les capacités de Druella et Cygnus à lui arranger un mariage à leur convenance et elle sait qu’il lui faudra sacrifier énormément pour un avenir plus sain qu’avec des partisans à peine dissimulés de la cause des sang pur.
« Nous lui en parlerons. Ils pourront se marier dès qu’Andromeda quittera Poudlard ! ».
C’est est trop pour l’adolescente qui en a trop entendu. [color:cf8c=#indianred]« Non ! » hurle-t-elle. Elle entre en trombes dans la pièce où sa mère et son oncle l’observent sans une once de surprise dans le regard. Sans la moindre once d’expression tout court.
« Il est hors de question que j’épouse Nott ! » Alors que les sanglots étouffent la fin de ses implorations, Druella éclate de rire.
« Tu épouseras un sang pur, Andromeda. Et si tu n’en trouves pas un toi-même, nous le ferons. C’est aussi simple que cela. »and if the cloud bursts thunder in your ears, you shout and no one seems to hear***
there is no dark side of the moon, really.
De son balcon, Andromeda regarde le soleil se coucher. Il y a des jours sans, et aujourd’hui en est définitivement un. Elle a pourtant tout ce dont on pourrait rêver – un mari adorable et aimant, une carrière au Ministère, un enfant, une maison sur le littoral dans l’Essex. Elle ne peut cependant s’empêcher de penser à ce qu’elle a laissé derrière. Il va de soi qu’elle aurait été malheureuse : mariée à l’un des gosses Nott, elle n’aurait été bonne qu’à devenir une énième poule pondeuse visant à perpétrer la lignée des sang-purs. Probablement affiliée à Voldemort d’une manière ou d’une autre. Être déshéritée aura eu l’avantage de lui offrir la vie qu’elle voulait. Pourtant, il arrive parfois à Andie de ne pas se sentir à sa place.
Elle tire sur son joint, inspirant avec satisfaction la fumée libératrice. À nouveau, Ted a dû prendre la relève avec Nymphadora. Andromeda n’y arrive pas. Faire un enfant était une décision commune, mais son mari a la fibre paternelle bien plus qu’elle n’est douée avec les enfants et semble faire obéir leur fille à la baguette sans le moindre effort alors qu’elle s’agace tous les jours. Et dans des jours comme celui-ci, il lui arrive de regretter. Instantanément, elle s’en veut, mais c’est plus fort qu’elle. Elle ne s’épanouit pas à être mère et si elle aime sa fille de tout son cœur, elle se réjouit également de la laisser chez ses moldus de beaux-parents – dont la maison est protégée par au moins autant d’enchantements que la leur - lorsqu’elle va travailler.
Ted se glisse derrière elle. Ses mains entourent sa taille, son menton vient se nicher sur son épaule. Il dépose un baiser au creux de son cou et s’empare du joint qu’elle laisse se consumer plus qu’elle ne le consomme.
« Elle dort enfin. », l’informe-t-il. Elle soupire.
« Tu es bien meilleur que moi, Tonks. » « Tu es une bonne mère, Andie. » Elle secoue la tête.
« Tu sais aussi bien que moi que tu dis ça pour me faire plaisir. » D’un geste vif, elle récupère le joint des mains de son mari. Il dépose un baiser sur le haut de sa tête.
« Cesse de t’en vouloir. », conclut-il simplement.
« Je t’aime. Dora aussi. C’est tout ce qui compte. » Andromeda hausse un sourcil.
« Nymphadora. », rectifie-t-elle. Ted ricane.
« C’est bien ce que j’ai dit : Dora. »Elle abandonne. Les yeux rivés sur le ciel à présent noir d’encre, elle pose sa tête sur l’épaule de Tonks et soupire.
matter of fact, it's all dark.