C’est qu’il faisait dégueulasse aujourd’hui. Ça ne t’avait pas empêché de sortir, la pluie n’avait jamais tué qui que ce soit, ou en tout cas pas ici. Et ce n’était pas toi qui allait commencer à faire le difficile parce que t’avais de la boue sur tes affaires ou sur toi. T’avais pas envie de rester enfermé, pas la tête à tourner en rond que ce soit dans ta Salle Commune, encore moins à la bibliothèque, où t’étais censé être. Tu devrais ressentir ne serait-ce qu’un minimum de remords pour ton binôme, de le planter comme ça, alors qu’il avait une fois de plus essayé de te donner rendez-vous poliment, sans doute un des seuls à en faire encore preuve envers toi. Même si ça avait un peu changé depuis le début de cette année, depuis que Thomas était parti pour commencer ses études supérieures. T’avais toujours l’impression qu’il allait arriver de derrière un mur, qu’il allait arriver en milieu du couloir et Merlin seul savait ce qu’il aurait encore eu comme merveilleuse idée, te faisant regretter d’être né.

Tu ne pouvais clairement pas prétendre être serein, dormir tranquillement sur tes deux oreilles démesurées en te disant que tu ne le reverrais pas d’ici les vacances. T’avais déjà bien compris qu’il ne comptait pas te foutre totalement la paix, en t’envoyant des hiboux assez régulièrement. Tu ne les lisais pas tous, t’arrivais pas à t’empêcher d’en ouvrir quelques-unes, tu ne savais même pas exactement ce que tu cherchais en faisant ça, comme si t’espérais qu’un jour il puisse en sortir quelque chose de positif. Bien sûr que ce n’était pas le cas, que t’en ressortais avec une estime de toi encore plus médiocre que ce qu’elle ne pouvait être à la base. C’était peut-être même encore pire que lorsqu’il venait te les cracher à la gueule, ça au moins, ça s’oubliait plus facilement, ça ne restait pas écrit noir sur blanc sur un papier dont t’avais trop peur de te débarrasser, si c’était pour que quelqu’un d’autre ne tombe dessus.

Manquerait plus qu’on te prenne en pitié, ou qu’on se foute encore un peu plus de toi, même si tu commençais à en avoir un peu l’habitude, t’arrivais pas à juste laisser glisser les remarques, faire comme si de rien était. Tout comme t’en avais marre de simplement te laisser faire. Tu ne comptais pas rester spectateur ou victime durant toute l’entièreté de ta vie, t’avais assez donné, t’avais envie de reprendre le dessus. Mais comment ? C’était là le plus difficile. Tu t’étais dit que t’allais profiter de l’absence de ton aîné pour te reprendre en main au niveau des cours. Ça ne devait pas être si difficile que ça, ton début de première année c’était tellement bien passé. Mais quatre ans sans rien foutre, ça laissait des séquelles. T’avais eu un mal fou à te motiver à étudier, un mal fou à retenir ce que tu pensais être correctement la matière. Et franchement ? C’était une chose de se ramasser une sale note quand t’avais pas fourni un seul effort, ça te passait par-dessus la tête encore plus rapidement qu’un vivet doré. Rater alors que t’avais passé des heures à étudier, ça te restait encore en travers de la gorge.

Ce qui t’avait sans doute poussé à baisser totalement les bras au niveau des études. Quitte à n’être qu’un abruti fini comme te qualifiait ton père dans le meilleur des cas, autant que ce soit pour une bonne raison. Alors cette histoire de travail, en binôme qui plus est, t’en avais eu aucune envie. Tu l’avais sorti de ta tête aussi rapidement qu’on ne l’avait annoncé. Puis tu connaissais vaguement Emerson, il était loin d’être con, il saurait se démerder tout seul quand même, sinon c’était qu’il n’avait pas sa place chez ces putains de piafs. Et si fallait que tu sois totalement sincère, t’avais même un peu oublié cette histoire. À la place, t’étais allé sur le terrain de Quidditch. T’avais aucun entraînement de prévu, mais il était libre, et t’avais juste envie de te changer les idées. Y avait strictement de plus détendant que de pouvoir se vider la tête sur un balai.

Sensation bien trop courte, même si t’étais resté là au moins une bonne heure. Tu commençais à avoir froid, avec toute cette pluie absorbée par tes vêtements, la batte que t’avais prise glissait entre tes mains presque frigorifiées, et si t’avais pas envie de chopper la mort, il valait mieux que tu redescendes. C’était ce que t’avais fait, t’étais trempé, tes chaussures bien dégueulassées, un peu comme le balai que t’avais emprunté. T’aurais pu le laisser comme ça, l’air de rien, après tout strictement personne ne t’avait vu avec. Mais t’avais décidé de pas être trop un fils de chien aujourd’hui non plus. T’avais daigné le nettoyer un minimum, avant de commencer à enlever les protections que t’avais mises à tes genoux. C’était à ce moment-là que t’avais vu un chat qui ne t’était malheureusement pas inconnu. T’avais soupiré avant même de voir son putain de maître arriver. Tu l’avais repoussé du pied quand il s’était un peu trop rapproché de toi, en lui foutant de la boue dessus au passage. Quel dommage. Bah fallait pas être chiant et venir aussi près. T’avais légèrement grogné en voyant Emerson arriver à son tour. Tu t’étais attendu à ce que la réalité te rattrape, mais aussi rapidement ? Pas vraiment. Ça te saoulait déjà, super.


« ▬ …S’tu veux aller sur l’terrain, j’te conseille d’attendre qu’il fasse meilleur. »


Joue au con c’était très bien, ça te faisait gagner du temps et en plus de ça, peut-être qu’il abdiquerait assez rapidement s’il voyait que t’avais pas l’air de comprendre.

T’aurais dû rester sur ton balai, quitte à y crever de froid, ça n’aurait pas été une grosse perte. Ou ne profiter pour te casser de l’école, ça aussi ça aurait pu être une bonne idée, mais où est-ce que t’aurais pu aller après ? Si c’était pour se retrouver à la rue, c’était vraiment pas intéressant. Ça aurait été encore plus déprimant. Même si t’étais pas du genre à manger énormément, c’était quand même pratique, de pouvoir te rendre à la Grande Salle pour te sustenter. Le problème, c’était qu’il y avait des gens. Beaucoup de gens. T’aimais pas être entouré, tu fuyais les endroits bondés, t’aimais la solitude et tu détestais lorsque quelqu’un venait l’empiéter. Et c’était clairement ce que ce putain de chat était venu faire là tout de suite, déjà en se rapprochant et en te feulant dessus alors que t’avais strictement rien fait. Était-ce une bonne raison pour le dégager comme ça, comme si tu te sentais menacé ? Sans doute que non. Mais si tu t’étais totalement écouté, tu lui aurais bien fait manger ta chaussure, tout bonnement. À la place elle retourne voir le Serdaigle, qui vient la prendre sur son épaule. Grand bien lui fasse, t’espérais secrètement qu’elle allait tomber et se casser quelque chose.

Tu détournes ton regard morne de ce spectacle, préférant le retourner vers l’armoire où tu finis de ranger correctement le balai et les protections que t’as fini de détacher. Tu bouges un peu, évitant soigneusement ton homologue pour pouvoir prendre une des serviettes et la passer sur ton visage, ses joues creusées par une certaine sous-alimentation, tes cernes agrandies par le manque de sommeil. Ça te permet de ne pas le regarder pendant quelques secondes, mais t’es bien obligé de t’en détacher, d’essayer de sécher tes cheveux, ce serait plus pratique.

Mais il reprend la parole, tes mains viennent se resserrer inconsciemment sur le tissu. Cette manière de parler, de te mettre directement le nez dans la merde ou encore te prendre pour un con.T’avais bien eu raison de ne pas t’en croire débarrassé ou à l’abri une fois à l’extérieur des murs de l’appartement familial. Tu reportes ton regard sur lui, le paupières lourdes. Ce serait simple de le faire taire lui foutant la serviette dans la bouche, au choix en essayant de la lui faire manger ou de la tirer assez fortement pour lui péter la mâchoire ou qu’il s’étouffe avec. Plus rapide, il y avait la batte que t’avais utilisée qui traînait un peu plus loin.


« ▬ Tes conseils, t’peux t’les foutre dans l’cul oui. Nah, j’vais autre chose d’mieux à faire quand j’tais entrain d’voler. J’rais dû y rester, j’t’aurais pas entendu au moins là. J’t’ai pas d’mandé d’bosser pour moi, t’cas aller voir l’prof, dire qu’ça t’casse l’couilles, que j’fous rien et qu’tu préfères tirer t’plan en solo et on en parle plus p’tain. »


C’était absolument pas bénéfique pour toi. En binôme avec lui, quelque chose serait rendu. Si t’étais seul, tu ne ferais absolument rien et personne ne verrait l’ombre d’un parchemin. Pourtant, le suivre, travailler avec lui en y mettant du tiens, ça aurait pu être un bon début pour essayer de te remettre correctement à tes études. À la place, tu lui balances ta serviette dessus, retenant un soupir de passer la barrière de tes lèvres.


« ▬ T’as b’soin d’une traduction pour ça ou t’vas savoir percuter t’seul ? Si j’me suis pas pointé, faut pas s’attendre à c’que j’te suive gentiment maintenant. »


T’étais quelqu’un d’extrêmement pris, de débordé même. Une chance qu’il ne soit pas dans la même maison que la tienne, parce que tu te disais qu’une fois que t’aurais atteint la Salle Commune, il ne saurait pas te suivre et te foutrait la paix.