Lorsqu’elle voit l’état dans lequel se trouve sa cuisine, Andromeda envoie d’un coup de baguette son manteau et son sac au fond du placard et gémit de désespoir. « Tooooonks, sérieux ! »  Elle rentre à peine du travail et ne sait pas si elle doit rire, pleurer, avoir un mental breakdown ou juste laisser tomber. Très honnêtement et si je devais vous donner mon avis, j’aurais tendance à abandonner. C’est aussi le cas de la brune, qui râle pour le principe mais a bien compris que ça ne servait pas à grand-chose de se faire des ulcères – ce n’est pas à son âge que son mari apprendra à ne pas transformer la cuisine en terrain miné en préparant le dîner. Il suffirait pourtant d’un coup de baguette. Elle secoue la tête, se frottant le front, et s’occupe du tas de vaisselle alors qu’elle entend Ted à l’étage, probablement occupé à tenter de mettre son pyjama à une Nymphadora qui préfère déambuler en couche dans toute la maison. C’est tellement plus agréable, après tout. Dix secondes plus tard et la cuisine reluit. « C’est quand même pas compliqué », Andie grommelle pour le principe et rejoint son mari et sa fille, qu’elle attrape au vol – en train de déambuler en couche, comme quoi les deux années de divination passées à Poudlard auront finalement servi à quelque chose – afin d’aider Ted à lui enfiler ne serait-ce qu’un pantalon.

Un mini lutin aux cheveux bleus – après avoir été noirs, puis roses -  au lit et quinze minutes plus tard, la brune se dirige vers le frigo. Ted a insisté pour que leur maison soit dotée de technologie moldue, et il faut dire qu’Andromeda commence à s’y faire. C’est quand même plutôt pratique, de pouvoir parler dans la petite boîte pour demander des conseils à sa belle-mère, et surtout de voir clair sans bougies, même si pour le coup, elle n’a toujours pas compris comment ces petits boutons bizarres font pour allumer le truc de verre au plafond. Elle apprend, elle apprécie, mais elle a arrêté de chercher à comprendre.

Autre chose pratique : pouvoir boire de la bière froide directement sortie de ce que les moldus appellent un frigo et qui garde les choses… eh bien, froides. Sauf quand on oublie d’en remettre – des bières. Et c’est précisément le cas aujourd’hui. Lorsqu’Andromeda se jette sur le réfrigérateur, elle le referme instantanément, pleine de déceptions. Elle fait la moue. « Tonks, quitte à pas faire la vaisselle, t’aurais au moins pu utiliser tes objets de moldu pour qu’on puisse avoir de la bière froide. T’as quand même pas tout bu, au moins ? »

« N’a faim, papa ! N’a faim ! » Pris dans ses dossiers, il n’avait pas fait attention à l’heure, mais heureusement sa fille était réglée comme du papier à musique pour tout ce qui touchait à son estomac. C’était incroyable ce qu’elle bouffait, cette gosse ! Pouvait-on avoir un ver solitaire à cet âge-là ? Le doute était permis.
Ted reposa donc sa plume et attrapa Dora dans un grand éclat de rire, avant de descendre quatre à quatre les marches de l’escalier en direction de la cuisine. « Alors, qu’est-ce que tu veux manger ? De la purée, ça te va ? » « Pu’éé ! Pu’éé ! » Etant donné qu’il s’était douché il y a pas deux heures de ça, il prit donc cette réponse pour un oui, et plutôt enthousiaste avec ça. En plus ça tombait bien, la purée il maîtrisait. C’était même sa spécialité, au point où, quelques années plus tard, un chef jusqu’alors inconnu du nom de Joël Robuchon se ferait brièvement appelé le « Ted Tonks du Poitou » après une rencontre fortuite entre les deux hommes. Malheureusement, la purée survécut à la postérité, contrairement au surnom.
Il éplucha la courge et les pommes de terre et les détailla en petits morceaux sous le regard attentif de sa fille, perchée sur sa chaise haute. Cette étape était un peu délicate pour qu’il la lui sous-traite, mais il était partisan de l’impliquer un maximum, en essayant de trouver un côté ludique à tout ce qu’il faisait. Quelques minutes plus tard, les légumes mijotaient dans l’eau bouillante, un steak haché grésillait dans une poêle, embaumant toute la cuisine. Quand ils furent cuits, et après les avoir égouttés, Ted montra à Nymphadora comment les écraser avec le presse-purée, avant de lui laisser gérer cette étape ô combien importante. Le temps qu’il retourne le steak, elle avait troqué la méthode classique qui consistait à « appuyer sur la tête des légumes » pour une technique plus personnelle où elle donnait de grands coup de presse-purée aléatoires dans la gamelle. Si on pouvait argumenter qu’on y gagnait d’un point de vue artistique, force était de constater que la note technique en souffrait quelque peu (tout comme la table et les murs aussi un peu, si on tenait à être exhaustif dans la description). En bon père responsable, Ted encourageait sa progéniture avec des « et un coup pour Bella ! Et un autre pour Narcissa ! Et encore un pour la route ! », pour le plus grand plaisir de la fillette.
Le reste du repas se déroula sans encombres, Nymphadora mangeant avec appétit, voire une certaine voracité. Quand elle eut fini, le regard paternel se porta sur la pendule. Zut, ils étaient encore en retard. Il ne comprenait pas comment sa femme arrivait à tenir un timing pareil. Il aida Dora à descendre de sa chaise et l’orienta stratégiquement vers les escaliers qui menaient à l’étage. « Allez, petit botruc, c’est l’heure du bain. File ! » En terme de retenue l’étape du bain fut aussi calamiteuse que celle de la préparation du repas. Dès qu’elle commença à vouloir noyer ses jouets en plastique, et que Ted les eut baptisé de noms présents dans l’arbre généalogique de sa belle-famille, la situation devint vite incontrôlable. Fukushima avant l’heure. Mais avec plus de mousse. Finalement il parvient tant bien que mal à sécher sa fille, et à lui enfiler une couche (propre, #Heforshe). Malheureusement il rata le grand chelem à un pyjama près, et c’est finalement Andromeda qui finit par intercepter la petite fugueuse. Il répondit au regard désespéré qu’elle lui lança d'un air faussement outré : « Quoi ? C’est toi qui refuse que je la stupéfie pour la coucher. Regarde-nous, après deux ans d’éducation laxiste... » Œil malicieux, inutile d’appeler les services sociaux. Il embrasse sa femme, tout en fermant discrètement la porte de la salle de bain avec son pied, l’empêchant de découvrir le carnage qui y règnait.
Retour à la cuisine. Andromeda se plaint de l’absence de bière dans le frigo. Encore. Une habitude qui pourrait être inquiétante en des temps moins troublés, mais vue la conjoncture actuelle, Ted a d’autres soucis en tête que l’alcoolisme latent de sa femme. Une éventuelle aptitude non dévoilée pour la légilimancie pourrait en être un par exemple. « Détends-toi ma chérie, et laisse la magie moldue opérer. » Car non, il ne lui a pas encore expliquer le fonctionnement de la partie congélateur du frigo. Chaque chose en son temps. Car si vous pensez que Ted est dangereux dans une cuisine, attendez de voir Andromeda s’approcher d’un équipement moldu. Le « Ne pas boire » sur les bouteilles de détergeant, c’est pour elle. Si si. Arrêtez de chercher, mystère résolu.
Il attrape deux bières dans le freezer, les décapsule avec l’expertise de l’expérience. « Alors, ta journée ? » Et il l’embrasse tendrement dans le cou avant de descendre quelques gorgées et d’aller s’installer en face d’elle. « Tu as faim ? Il restait un peu de purée sur les murs, mais je vois que tu t’es occupée de ça... ».

Andromeda ne cessera probablement jamais d’être stupéfiée par la technologie moldue. Elle n’y comprend rien – n’a pas pour autant envie de savoir – mais a bien intégré l’idée de devoir passer par des stratagèmes incroyables pour arriver aux mêmes fins qu’un coup de baguette. Et pour le coup, elle se sent chanceuse d’être sorcière. Les maisons moldues sont chargées d’appareils en tous genres, elle le voit bien chez ses beaux-parents, et puis chez elle, un peu. Elle s’adapte et troque les tapisseries sorcières pour une télévision, un frigo, une horloge à piles. Et qu’est-ce qu’une pile, vous direz ? Rien qui vaille le détour selon Andromeda qui aurait préféré gagner la bataille de l’horloge pour éviter d’aller racheter lesdites piles tous les deux mois après s’être rendu compte qu’elle était en retard au boulot à cause de cette fichue horloge pas foutue de fonctionner. Mais bref ! Tout cela pour rebondir sur Ted qui, en grand seigneur détenteur du savoir, ouvre le petit compartiment au-dessus du frigo et y attrape deux bières. « J’avais oublié que ça faisait aussi… comment tu dis ? Congélatoire ? » Presque, Andie. La brune se gratte l’arrière de la tête. « Mais c’est pratique, merci Ted. »

Andromeda sourit à son mari qui s’installe face à elle, le remercie encore pour la bière, puis secoue la tête : « Mmh-mmh, on va faire ça dans l’autre sens : comment s’est passée ta journée ? » Il ne sait pas à quel point ils auront besoin de cette bière lorsqu’elle lui aura annoncé la grande nouvelle du jour. Autant commencer par lui, donc, au risque de ne plus avoir l’occasion de le faire par la suite. « Et je meurs de faim. J’aurais pu me remplir une assiette avec les dégâts de Nymphadora, mais j’ai plus facile, encore. » D’un coup de baguette, elle met ses ustensiles à l’ouvrage. Les légumes se coupent seuls, les casseroles prennent leur place sur la cuisinière. Le pied. « Maîtriser l’art du sortilège ménager, Tonks ! Ca change la vie ! » Un sourire narquois sur le visage, elle lève sa bouteille en direction du blond et trinque.

« J’ai une grande nouvelle. », finit-elle par déclarer, l’air mi-amusé, mi-crispé. Un rire nerveux secoue la brune. « J’ai l’honneur de t’annoncer que nous sommes invités au gala annuel du département de la coopération magique internationale. Une soirée entière aux côtés du grand cru du Ministère de la Magie britannique ! Ils seront tous présents dans leur plus belle tenue de soirée, tu te rends compte ? » L’expression « se noyer dans sa bière » n’aura jamais été aussi précise pour Andromeda. Ces soirées mondaines ne l’intéressent pas vraiment mais font partie du jeu, lorsqu’on obtient un poste au Ministère de la Magie. Il faut se montrer. Et jouer ne la dérange pas outre mesure, elle s’y prête sans trop sourciller lorsque la BBC organise elle aussi un évènement. Mais mélanger gala et famille ne l’enchante pas. Elle sait précisément qui elle va croiser, qui va la toiser, l’ignorer ou ricaner sur son passage. De fait, elle compte en faire autant. « Va falloir qu’on soit inventifs pour tous les scandaliser, cette fois. Il semblerait qu’on n’ait pas fait mieux depuis l’annonce de ma grossesse ! »