Petit chat moldu, espiègle et pas très sûr de lui, un parmi tant d’autres dans une famille sans connaissance de la contraception au début des années 1960. C’est ainsi que s’est déroulée son enfance, perdu dans un village britannique où les campagnes sont plus nombreuses que les habitants. Felix est le quatrième né de la famille Johns, tiré d’une portée de huit enfants. Le gamin du milieu, celui qu’on ne remarque pas toujours. Une tête en dessous de ceux de son âge, le corps plus frêle, il lui aura fallu se démarquer face à ses aînés. « Encore un Johns ! » s’exclamaient les professeurs à chaque rentrée des classes. Il faut dire que le grand frère avait déjà marqué le territoire. L’aîné, celui qui gagne tout, qui a les meilleurs notes, les amis les mieux éduqués selon les parents, celui qui à tout. Plus grand, plus beau que Felix. Comment faire face, alors qu’il n’est qu’un petit garçon en manque d’affection ? C’est donc depuis ses premiers pas, ses premiers mots qu’il s’est mis à observer, à analyser tout ce qui l’entoure. Il a donc appris qu’aux repas, il faut crier plus fort que les autres. A l’école, il faut étudier plus longtemps.  Mais il n’a jamais réussi, Felix, à sortir du lot. Parce qu’il était trop gentil, trop empathique pour marcher sur les autres. Il est resté un point dans la masse de gosses, jusqu’à ce jour où il commença à changer. Il ne s’agissait pas de la puberté, non, à dix ans c’est encore trop tôt pour ça. Mais plutôt des ampoules qui explosaient en même temps qu’un cri de joie, des vinyles qui se fissuraient quand il pleurait dans une autre pièce, le hamster qui volait de sa roue quand il était énervé. Pour les autres, ce n’était que des coïncidences, des évènements rationnels. Mais Felix savait que quelque chose n’allait pas. Pendant un an il s’est doucement isolé, prenant peur d’aller à l’école et que les craies du professeur ne finissent au plafond ou que le pantalon d’un autre enfant ne disparaisse. En plus d’être insignifiant, il était bizarre et rempli d’angoisse. Et personne ne le remarquait.

« Felix ? Un de tes amis t’as envoyé une lettre ». Impossible. En une année il n’avait adressé la parole à personne de vital, autant dire qu’une lettre d’un ami tenait à un doux rêve. HOGWARTS SCHOOL OF WITCHCRAFT AND WIZARDRY. Il a fixé chacune des lettres écrites à l’encre émeraude qu’il recevait, pensant à une farce. A la dixième jetées à la poubelle, un homme étrange vêtu d’une robe pourpre et d’un chapeau l’a accompagnée. Il a frappé à la porte de la petite maison de banlieue. Le patriarche refusa tout d’abord de le laisser entrer mais il se montra très convaincant. Avec du recul, un vieux monsieur bizarre qui demande à parler à son fils de onze ans, personne ne l’aurait laissé. « Comment ? Un monde de sorciers ? Avec des baguettes magiques, des balais volants et tout ce qui se trouvaient dans les contes ? Et pourtant, impossible n’est pas sorcier. Il fallait se rendre à l’évidence. Dans quelques mois, Felix n’allait pas entendre pour la millième fois « Aah mais tu es le frère de…. » en entrant à l’école secondaire. Il vêtirait sa plus belle cape sorcière et irait transformer des grenouilles en pot de chambre. La nouvelle a traversé la famille comme un électrochoc. Il n’eut jamais autant d’attention dans sa vie que ce dernier mois de vacances scolaires. Les questions pleuvaient et même les aînés en restaient bouche bée. Sans le vouloir, au moment où il s’y attendait le moins, il était enfin devenu spécial. C’est donc avec assurance, munit de son nouvel ami Chaussette, son chat blanc, de tout le matériel nécessaire à un sorcier ainsi que de son cahier de notes que le brun passa à travers les briques de la station londonienne.

Sa jauge de confiance, alors à son maximum, baissa extrêmement vite. Il apprit ce que signifiait « Sang-de-bourbe » ainsi que le concept de pureté de sang. De superstar dans sa famille moldue, il était redevenu inférieur dans ce monde de sorciers. Retour à la case départ. Mais il savait ce qu’il avait à faire, comme toujours. Entrer en phase d’observation, tout noter, et enfin se battre. Ce ne fut pas chose aisée. Dès son premier cours, il comprit l’essence de l’adage « je sais que je ne sais rien ». Alors il se mit en tête de ne dormir que maximum deux heures par nuit pour pouvoir étudier et apprendre tout ce qui lui faisait défaut. Les coutumes sorcières, les formules, le quidditch... Mais évidemment à ce rythme, sa motivation s’estompa assez vite. Il faisait néanmoins partie des élèves moyens, ce qui constituait un fierté non négligeable étant donnés les heures qu’il passait tout de même la tête dans les bouquins. Il rentrait dans sa cambrousse à chaque période de vacances, leur racontant toutes ses aventures et mésaventures. Dans ces moments, et pour la première fois, tout le monde se taisait lorsque Felix parlait. Il avait la sensation d’être utile et que si n’importe qui au village avait un problème, il pouvait dégainer sa baguette et tous les régler. Il se sentait bien, comme enfin à sa vraie place. Il était le seul de sa famille à avoir développé ces pouvoirs. En y réfléchissant, il n’arrivait pas à décider s’il en était heureux ou déçu.

Sa nouvelle maison aux couleurs rouge et or lui offrirent des amis, des vrais. Des personnes qui ne le connaissaient pas à travers sa famille nombreuse mais à travers lui et sa personnalité. Il retrouva enfin ce côté sociable qu’il avait perdu chez les moldus. Il n’appréciait néanmoins pas tous les griffons. Notamment ces quatre garçons, entrés la même année que lui. Il le voyait bien, Felix, qu’ils n’étaient pas nets. Qu’ils disparaissaient des dortoirs la nuit pour aller on ne sait où. Qu’ils martyrisaient d’autres élèves dans le seul but de se divertir. Et pourtant, il ne pouvait pas s’empêcher de les observer. Ils avaient une synergie bien particulière qui le fascinait…. Mais un en particulier a attiré son attention. Son regard triste derrière son sourire l’intriguait. Felix, se découvrant au cœur de son adolescence, s’est vite rendu compte que le grand aux cheveux titillant le haut de ses épaules ne le laissait pas indifférent. Quand le Black passait près de lui dans les couloirs, sa gorge se resserrait, son cœur battait un peu plus fort. Mais la réputation de coureur le précédait ainsi que son « gang » qui l’accompagnait constamment ont vite dissuadé Felix de tenter une quelconque approche. Il a donc gardé ce petit faible secret au fond de lui, sans réellement se l’avouer, pendant des années. Fort heureusement, plus il en savait sur lui, plus il s’éloignait de cet idéal que le né-moldu lui avait créé de toute pièce. Il lui paraissait à présent hautain, comme s’il se pensait supérieur d’avoir quitté son manoir de riche. Sa famille était de ceux qui désirait éradiquer la race des impurs, ceux nés dans une famille sans pouvoirs. Et pourtant, depuis quelques mois, bien avant les vacances d’été, il s’était intéressé de plus près à un autre Black. Le cadet. Bien qu’il semble être le pur stéréotype des serpentards, Felix se rendit vite compte, au court de ses enquêtes, qu’il était différent de ce qu’il imaginait. Comme s’il jouait un rôle. Il semblait plus accessible que son frère, plus… fragile. Perdu. Comme s’il se trouvait noyé dans des valeurs qui n’étaient pas les siennes. Ils devinrent amis, malgré l’incohérence qu’un né moldu Gryffondor et un sang-pur Serpentard puissent s’apprécier. Mais il en faudrait bientôt plus à Félix. Il le sentait que son petit cœur chavirait à chacun de ses regards. Impossible qu’il ne s’en rende pas compte lui aussi.