C’est à la fin d’un mois de mars que tu vois le jour, sur le territoire français, terre natale de ta mère. Si tes parents ont d’ores et déjà un enfant, d’un an plus âgé que toi, ils sont plus qu’heureux de ta venue, premier et dernier garçon de la famille. Tu t’avères très rapidement être un enfant calme, bien qu’un peu difficile au niveau de la nourriture, tout le reste se passait plutôt bien, tu n’as jamais fait beaucoup de crises, hormis lorsque tu te faisais mal, là c’était différent. Même si c’était juste une égratignure, t’étais capable de chouiner pendant des heures et d’en reparler encore le lendemain comme si c’était une blessure de guerre. Heureusement, ta sœur s’est souvent montrée patiente et compréhensive, prenait toujours le temps de t’aider et de t’écouter quand tu voulais te plaindre de quelque chose. De ce que tu te souviens, vous avez toujours été assez proches, t’avais tendance à tout faire comme elle, ou plus simplement la suivre et regarder ce qu’elle faisait quand t’en avais l’occasion. Si ça n’avait tenu qu’à toi, tu l’aurais bien prise définitivement comme modèle, mais vos parents avaient décidés de ne pas vous élever totalement de la même manière. Alors que Nashira apprenait à être une future épouse parfaite, on t’apprenait à te conduire comme un héritier digne de ce nom. Une place qui ne t’a jamais fait rêver, même si t’étais bien retenu de le dire, t’avais l’impression que ça n’aurait pas plu.

Si tu as toujours été baigné dans la Magie, ce fut encore plus le cas après ton premier signe de magie, qui s’était déclenché lors de tes 4 ans, alors que tu jouais tranquillement dans votre jardin, les limaces autour de toi et ta mère avaient légèrement lévitées avant de tout bonnement exploser pour les plus proches. Un moment plutôt traumatisant, déjà que tu détestais lorsque de la terre se mettait sous tes ongles, alors des résidus de limaces. T’avais refusé de quitter la baignoire pendant des heures après ça, persuadé que t’étais encore sale et qu’il te faudrait vivre en te lavant sans jamais t’arrêter un seul instant. Ça avait bien fait rire ta mère, qui avait passé après des heures à te raconter tout ce qu’elle savait sur Beauxbâtons, même quelques anecdotes sur sa propre scolarité. C’était une des premières fois que tu la voyais sourire autant, et s’ouvrir totalement. Elle n’avait cessé de t’apprendre des tonnes de tours ainsi qu’à Nashira, des moments durant lesquels vous étiez bien plus attentif que d’habitude.

L’image que la famille pouvait renvoyer comptait assez fort aux yeux de tes aînés, même ta sœur en semblait obnubilée, tu t’es souvent dit que quelque chose devait clocher chez toi pour ne pas y porter autant d’attention. Tu faisais semblant, ça avait l’air de leur faire plaisir, comme quand tu pouvais répéter bêtement les principes que ton père se tuait à t’inculquer. C’est sans doute à ce moment-là que t’as compris que mentir pouvait se révéler être utile, surtout si t’avais envie qu’on te foute le plus la paix. Puis de toute manière, ça ne pouvait pas être bien grave, la seule conséquence que ça avait c’était qu’ils avaient l’air heureux que tu marches sur le chemin qu’ils te traçaient. Néanmoins t’étais pas non plus le fils parfait, t’avais cette tendance à fuir l’inconnu, ou même ce qui ne te plaisait pas spécialement, te tourner vers ta sœur dès que t’en avais l’occasion, comptant un peu trop sur les autres plutôt que toi-même.

Lors de tes dix ans, t’avais été un peu sceptique lorsqu’on t’avait emmené avec ta sœur pour faire les courses pour sa future rentrée à Beauxbâtons. T’avais pas très envie de la laisser partir durant un an, même si elle allait revenir durant les vacances. Mais elle avait bien compris ta peur et avait décidé de passer le plus de temps possible avec toi, y compris en t’entraînant dans les rues marchandes, plus loin de vos parents. On avait failli vous perdre cinq fois lorsque vous aviez été faire vos courses, trop absorbés par chacune des vitrines que vous pouviez voir, alors vous y avais déjà emmené à quelques reprises. Sauf que cette fois-ci, c’était différent, on venait spécialement pour elle, et t’avais découvert un intérêt soudain à tout ce que tu pourrais potentiellement utiliser l’année d’après. Dont une collection de plumes pour écrire, que ton père avait bien voulu t’offrir et que tu n’as jamais utilisée au final, la trouvant bien trop belle que pour en salir une seule dans l’encre.

Nashira finit par partir pour commencer sa scolarité, et la séparation n’avait pas été si difficile que ça, vous pouviez toujours échanger des hiboux, et ce n’était pas non plus comme si tes parents te laissaient te tourner les pouces toute la journée. Bien que t’avais commencé à avoir des sortes de rêves un peu bizarres, à ce moment-là, qui se multipliaient. Des rêves qui se réalisaient assez rapidement, bien plus prononcés que des impressions de déjà-vus. T’avais pas trop osé en parler à tes parents, te disant qu’ils penseraient que c’était une lubie, t’en avais juste parlé à Nashira dans un de vos échanges, mais ce n’était pas resté très longtemps entre vous, elle en avait parlé à tes parents, qui contrairement à ce que t’aurais pu penser, l’avaient pris très au sérieux.  Ils se disaient que t’avais possiblement hérité du don de voyance d’une de tes arrière-grand-mères. Un don dont tu te serais bien passé, qui te donnait souvent l’impression de n’avoir aucune heure de sommeil certaines nuits.

Tu ne comprenais absolument pas comment ça fonctionnait, t’avais l’impression que c’était totalement aléatoire, que même quand tu te concentrais parfois pour essayer de savoir certaines choses, tu ne faisais qu’avoir une vision parfaitement pourrie dont tu fichais totalement, comme par exemple ce que t’allais manger le lendemain. T’as appris à vivre avec ,appris à vivre avec Nashira aussi qui ne cessait de venir te demander des tonnes de questions un peu comme si t’étais une boule de cristal sur demande. Elle a bien fini par comprendre que ce n’était pas le cas, même si plusieurs fois par la suite ton don a pu lui être utile.

Ton entrée à Beauxbâtons, tu ne t’en souviens plus tant que ça, si ce n’est que t’avais énormément stressé au tout début, avant de pouvoir rejoindre assez rapidement les côtés de ta sœur, une place bien plus rassurante. C’était sans aucun doute grâce à elle que tu ne t’es pas tant perdu que ça dans le palais qui servait d’académie non plus. Vous ne suiviez pas les même cours mais ça ne l’empêchait pas de prendre de son temps pour t’aider si t’en avais besoin ou encore te parler. Au final, ton cercle d’amis fut exactement le même que le sien, vous aviez pratiquement le même âge, et ça avait été bien plus facile pour toi de la laisser t’intégrer plutôt que de faire les démarches toi-même.

T’étais pas encore trop un mauvais élève. Plutôt dans la moyenne, t’étais un peu trop discret au goût de plusieurs enseignants, t’avais jamais cherché à changer, ça ne t’avait pas dérangé pour beaucoup de choses, du moins c’était ton impression. Ta scolarité s’était plutôt bien passée dans l’ensemble, t’arrivais à te faire oublier assez facilement quand une situation s’envenimait et tu n’avais jamais eu de problèmes de comportement non plus, quel qu’il soit.

T’avais même trouvé une certaine passion en cours.. Dans une de tes options, la Divination. Une branche un peu trop délaissée à ton goût. Si t’en avais eu l’occasion t’aurais passé ton temps à essayer d’en apprendre plus, à suivre tous les cours possibles et inimaginables. Une branche imprécise, mais c’était ce qui t’attirait. Puis tu t’étais rendu compte que t’étais tout simplement doué pour ça, en fait, peut-être que ça avait un rapport avec ton don aussi, mais t’aimais te dire que t’étais naturellement doué pour quelque chose. Ça avait un peu désespéré ton père quand t’en avais parlé, quand t’avais assuré que t’allais trouver un travail là-dedans, mais il avait fini par abandonner ses réflexions. Peut-être parce que vous alliez déménager. On lui avait proposé un nouveau poste, en Angleterre cette fois-ci et toute la famille avait suivi. Un changement qui ne t’avait clairement pas facilité la vie, parce que tu ne t’étais jamais intéressé plus que ça à l’anglais, tu connaissais les bases, mais t’avais jamais cherché à en savoir plus non plus. T’avais un accent affreux, à couper au couteau, alors toi qui n’aimait pas spécialement parler de base, ça c’était empiré. T’avais fait des efforts pour tout ce qui était lecture et écriture, il le fallait bien surtout si tu voulais continuer tes études, mais encore aujourd’hui t’es pas franchement à l’aise avec l’oral.

Ceci dit, tu pouvais maintenant étudier dans une branche qui te plaisait totalement, et t’avais moins de mal à retenir ce qu’on te demandait. Ça avait été des belles années, particulièrement la dernière lors de ton stage. C’était là que t’avais pu rencontrer Cade. Tu le voyais passer tous les jours, aux mêmes heures. Puis un jour, il était venu te parler de son propre gré. Il avait pas mal balbutié avant de te proposer d’aller boire un verre ensemble. T’étais pas vraiment du genre à sortir, mais t’avais accepté, t’étais curieux, et surtout une partie de toi avait envie de le connaître.

Le courant était directement passé entre vous, et il n’avait pas fallu quelques semaines avant que vous ne passiez quotidiennement du temps ensemble. Il avait été un soutien conséquent aussi pour toi. Surtout à la fin de tes études. Quand t’avais dû commencer à chercher un travail. On t’avait prévenu que les débouchées n’étaient pas énormément présentes dans le domaine de la divination, mais à ce point-là, tu ne t’y étais pas attendu. Ou alors, tu ne regardais pas au bon endroit. Mais tu t’étais aussi ramassé pas mal de refus, ou juste un manque de réponse. Ce qui t’avait totalement découragé. Mais Cade avait été là pour te remonter le moral, pour te dire de ne pas baisser les bras. Alors t’avais persévéré, sans grand résultat. Avant que ton père n’y mette son grain de sel, avec un manque de tact assez grand. Tu n’as jamais vraiment su d’où t’étais venu cet élan de courage, sur un coup de tête, t’as décidé de quitter le manoir, tout simplement. Tu l’as rapidement regretté, t’avais aucun endroit où te poser.

Puis ça t’était venu d’un coup. Cade t’avait déjà invité quelques fois chez lui, et même si t’avais eu un peu peur de t’incruster, il avait été plus que ravi de t’aider, et de t’héberger pendant plusieurs semaines. C’était la première fois que t’avais autant parlé à cœur ouvert à quelqu’un, il t’avait écouté, il t’avait rassuré. Il avait été tout pour toi pendant cette période de doutes. Il avait pris encore plus de place lors d’une nuit blanche que vous aviez faite, n’arrivant pas à arrêter de parler. Vous vous étiez encore plus rapprochés et même si c’était sans doute la fatigue qui t’avait poussé à l’embrasser, t’avais jamais regretté de l’avoir fait. Si être dans une relation ne t’avait jamais intéressé, il avait changé la donne. Il avait changé ta manière de voir les choses. Tu voulais juste le rendre le plus heureux possible, être là pour lui, n’importe quand.

T’avais quand même fini par revenir chez ta famille après un peu plus d’un mois. Parce que t’avais eu peur des questions qu’ils pourraient se poser. La réalité t’avait un peu rattrapé, aussi. Comme ton manque de motivation à reprendre une quelconque recherche de travail. T’avais recommencé à mentir pour tout et n’importe quoi, surtout à ton père prétendant chercher la moitié de la journée, alors que t’étais juste avec Cade, qui au moins te foutait la paix, et ne risquait pas non plus de se poser de questions sur la relation que tu pouvais entretenir avec l’autre homme, étant donné qu’il ne le connaissait pas. Tu ne leur avais jamais parlé de lui. T’y comptais pas. Pour qu’on te renie de la famille ? Pas vraiment une option alléchante. Même pas du tout. Alors tu t’étais promis de le leur cacher le plus possible.

Quelque chose qui avait fini par déranger Cade. Il voulait faire partie entière de ta vie. Parce que de son côté, sa famille te connaissait, et t’avait même accepté. Alors tu lui avais dit que t’allais le faire. T’en avais eu l’intention, pendant un moment, jusqu’à simplement revoir ton père en personne. T’osais même pas imaginer sa réaction. Alors tu t’étais mis à fournir des excuses à Cade, tout le temps. Il y avait cru au début. Mais au fil des mois, il avait fini par comprendre que c’était juste une échappatoire pour toi, que tu ne te déciderais jamais à le faire. Il avait bien raison d’ailleurs, totalement vu juste. C’est à partir de ce moment-là que votre couple se mit à battre de l’aile, avant de s’éteindre petit à petit. À cause de tes mensonges. À cause de ta lâcheté. À cause de toi, tout simplement.

T’as eu du mal à t’en remettre. Encore aujourd’hui, il t’arrive d’y penser et de déprimer. Tu lui écris de temps en temps des hiboux, mais tu sens bien que c’est délicat, que c’est froid, qu’il fait preuve de politesse. T’avais été encore plus démotivé pendant les mois qui suivirent, même si tu tentais tant bien que mal de te changer les idées. Tes parents t’avaient alors parlé de ces fiançailles qu’ils voulaient organiser. Absolument pas le bon moment, un très mauvais timing même. Tu t’étais montré exécrable avec cette pauvre fille qui ne t’avait rien fait. Qui finit par demander à ses parents de tout annuler, et t’avais été assez soulagé. Trop. Sauf que tu compris bien vite que c’était la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase chez ton père, sa patience avait des limites visiblement. En même temps l’image que tu renvoyais n’était pas spécialement belle. Du tout. Et difficilement, t’avais redoublé d’efforts pour essayer d’arrêter de vivre totalement à leurs dépens. T’as fini par décrocher un poste à Poudlard, un poste d’enseignant auquel tu ne t’étais pas vraiment attendu. T’avais postulé simplement pour faire bonne figure, mais l’entretien s’était bien passé. T’avais pensé avoir trop parlé, ou t’être trop éparpillé sur toutes les méthodes de divination qui te fascinaient alors que le poste se concentrait sur l’arithmancie, mais ça n’avait apparemment pas été un problème. Tu sortais enfin un minimum la tête de l’eau, un peu à grand mal.

Tes parents n’en étaient que plus heureux, voyant que tu semblais faire ce qu’on te demandait. ça avait aussi pas mal soulagé Nashira, qui mine de rien se faisait pas mal de mouron, surtout qu’elle avait intercepté une conversation entre tes parents, concernant de nouvelles fiançailles, ils cherchaient le moyen de te l’annoncer pour que tu ne recommences pas ton cirque de la dernière fois. T’en avais pas vraiment l’intention, un chose s’était bien ancrée dans ta tête, c’était que t’avais tout intérêt à t’écraser, que de toute manière, tu ne pourrais pas y échapper non plus. Puis t’allais pas mentir, Sloàn Bulstrode, elle était magnifique. Absolument pas ton genre, mais on aurait pu te présenter toutes les femmes du monde qu’aucune n’aurait correspondu en même temps. De toute manière, vous n’étiez pas forcés de vous aimer non plus, et ça ferait taire les soupçons que tes proches auraient pu avoir.

Tu t’étais dit que t’aurais peut-être la paix comme ça, encore plus une fois le mariage passé, mais ton optimiste était sans doute un peu trop grand. Depuis plusieurs années, Nashira ne cesse de te parler de ce Mage Noir, de ses idées qui correspondaient officiellement à vos idéaux, officieusement aux siens surtout. Tu n’y avais porté qu’assez peu d’attention, parce que t’avais pas envie de prendre de parti. Toi tant que tu pouvais vivre ta vie le plus tranquillement possible, t’étais content. Mais elle ramenait sans cesse le sujet sur le tapis, lorsqu’elle t’annonça faire partie de ses rangs, tu n’avais été que moyennement surpris, c’était plus de la peur que t’avais ressenti, peur qu’il lui arrive quelque chose, peur de la perdre. Ce à quoi tu ne t’étais absolument pas attendu, c’était à ce qu’elle ne commence à insinuer qu’un voyant dans leurs rangs pourrait être utile, te demander si ça ne t’intéressait pas de les rejoindre. Bien évidemment que non. Tu te connaissais plus que bien, tu ne ferais que de rester collé à elle dans le meilleur des cas. Jusqu’ici t’as réussi à te trouver des excuses, mais elle est têtue, tu sais qu’elle ne lâchera pas de sitôt, qu’elle revient régulièrement à la charge en insistant plus lourdement à chaque fois, et que tu ne pourras pas fuir définitivement.