Si il y avait bien quelque chose que Fanny ne supportait pas, c’était la foule et le bruit. C’était sans doute pour ça qu’elle avait pris l’habitude, dès son entrée à Poudlard, de fuir la Grande Salle pour aller manger dans un coin plus tranquille. Du moins le matin, il lui était plus compliqué d’éviter d’aller manger avec les autres le midi et le soir, sauf si elle voulait sauter des repas et elle n’était pas sûre que ce soit une très bonne idée. En revanche en se levant suffisamment tôt elle pouvait déjeuner en paix ou bien emporter avec elle quelques toasts et manger tranquillement au bord du lac sans craindre d’être dérangée.

Mais là ce n’était pas supportable. Pour une raison qu’elle ignorait les autres élèves de sa maison avaient décidé d’organiser une petite fête, pour quoi, elle s’en moquait. Tout ce qu’elle voyait c’était qu’ils étaient trop bruyants et surtout agglutinés les uns sur les autres, occupant les fauteuils et les tables de la salle commune, l’empêchant par là de pouvoir étudier correctement. Elle avait bien essayé d’aller dans son dortoir mais le bruit était tellement fort qu’il lui parvenait aux oreilles même la porte fermée.

Que faisait le professeur Flitwick ?

Elle ne pouvait pas aller le chercher, elle serait définitivement mal vue par les autres élèves et elle ne tenait pas à passer le restant de l’année mise à l’écart de cette manière.

Non la meilleure solution était de sortir, personne ne le remarquerait de toutes les façons, pour respirer un peu et pouvoir enfin terminer son devoir d’Histoire de la magie correctement et le rendre à temps.

Réprimant un soupir, la jeune Serdaigle rassembla les affaires dont elle aurait besoin pour travailler et sortit de la salle commune en se frayant un chemin entre un groupe de troisième années qui étaient lancés dans une discussion animée sur la prochaine coupe du monde de Quidditch et les filles de son année qui gloussèrent en la voyant jouer les contorsionnistes.

Une fois dehors, elle prit une grande inspiration avant de descendre les marches, priant Merlin pour ne pas se faire prendre.

Au fond elle ne pouvait pas en vouloir aux autres d’avoir envie de se distraire. En plus des examens et des montagnes de devoirs qu’ils recevaient tous les jours, les récents événements n’étaient pas propices à un environnement totalement détendu. Chaque jour il y avait une mauvaise nouvelle, il se passait rarement une semaine sans qu’on apprenne qu’une personne avait été tuée par on ne savait qui.

Fanny comprenait ce besoin de penser à autre chose, de se vider la tête, mais elle n’arriverait sans doute jamais à le faire de cette manière. Elle préférait largement se plonger dans la lecture d’un roman ou dans le ciel étoilé. C’était bien plus réconfortant pour elle de lire des histoires de héros affrontant dragons et chimères. Dans les livres le héros gagnait toujours à la fin, tandis qu’ici dans la réalité, c’était beaucoup plus difficile. On ne repoussait pas un groupe de fanatiques de tel ou tel mage noir en un claquement de doigts ou avec une épée magique. Ils étaient bien trop nombreux pour ça.

Le château était désert, même pas un fantôme en vue, pas même Peeves qui devait être occupé à faire des bêtises elle ne savait où. Tant mieux, elle n’avait pas envie de tomber sur lui et qu’il alerte Rusard.

D’ordinaire elle se rendait presque automatiquement au sommet de la tour d’astronomie. Son refuge, l’endroit qu’elle préférait dans l’école. Malheureusement il faisait froid ces derniers temps et même avec toutes les couvertures et chocolats chauds du monde, elle n’aurait pas su résister au froid de janvier qui envahissait la tour et elle était presque sûre que le professeur Luwin s’y trouvait en ce moment même pour préparer un cour.

Il lui fallut un moment avant de trouver une salle de classe dont la porte n’était pas verrouillée ou qui accepterait de s’ouvrir sans avoir à faire trop de bruit et de ce fait alerter un professeur.

Elle poussa la porte avec douceur, le coeur battant un peu plus vite que d’ordinaire, s’attendant à voir quelqu’un dans la salle, mais elle était vide. C’était ridicule ?  Qui irait dans une salle de classe en dehors des heures de cours, la nuit de surcroît ? Personne.

Sauf elle. Pour étudier. Elle était bien une Serdaigle.

Il faisait un peu froid, mais elle avait pensé à prendre un pull et une écharpe. Écrire lui réchaufferait les mains.

Elle s’apprêta à s’installer à une des tables, n’importe laquelle, de toutes les façons elles étaient toutes disponibles, quand son regard s’arrêta soudain sur le bureau du professeur.

Elle se mordilla la lèvre, essayant de ne pas sourire. C’était ridicule. Oh et puis après tout il n’y avait personne. Elle ne ferait rien de mal, elle ne toucherait même pas aux affaires.

Fanny eu l’impression d’être une enfant découvrant ses cadeaux de Noël en avance quand elle s’approcha du bureau et s’installa derrière. Après tout ce n’était pas tous les jours qu’on se retrouvait de l’autre côté de la rampe, même si elle devait bien être la seule élève à être heureuse à l’idée de se retrouver temporairement à la place du professeur. Elle n’avait même pas envie de le devenir, mais c’était… amusant ?

Prenant garde à ne rien déranger, elle sortit ses affaires ainsi qu’un petit bocal dans lequel elle alluma une flamme qui serait suffisante pour l’éclairer. Une fois bien installée, elle entreprit de finir son devoir, grattant et noircissant son parchemin de notes qui lui serviraient plus tard.

Autour d’elle il n’y avait que le silence, seul le bruit du vent qui sifflait et s’engouffrait dans les couloirs et les fenêtres lui parvenait aux oreilles. Elle leva brièvement la tête. La lune était en gibbeuse croissante cette nuit, mais elle n’était pas très visible à cause du ciel couvert. Cette vision la déprima. Elle n’aimait pas l’idée que le ciel soit inaccessible, presque invisible. Pour elle, il n’y avait rien de plus réconfortant que de se plonger dans l’immensité de l’espace et d’observer les astres. Elle l’avait fait un peu trop souvent ces derniers temps, essayant de chasser les mauvaises nouvelles qui parvenaient chaque jour de son esprit.
Au moins ce soir elle n’entendrait pas la voix tonitruante de son père qui pesterait contre l’inaptitude du ministère ou maudire elle ne savait plus quelle famille qui selon lui « ne produisait que de la mauvaise graine au service d’un fanatique de la pureté du sang ».

Ça avait été ainsi pendant presque toutes les vacances. Ce n’était pas tant les propos de son père qui effrayaient la jeune fille, son père avait toujours dit ce qu’il pensait à voix haute, mais elle craignait que ça ne finisse par se retourner contre lui. Sa mère essayait bien de le modérer mais elle savait qu’elle n’en pensait pas moins.

L’espace d’un instant elle pensa aux revues moldues cachées sous son lit, à ses rêves de découvrir l’astronomie moldue et leurs engins qui allaient dans l’espace et elle frissonna. Si on découvrait tout ça, les MacDougall auraient de gros ennuis.

La plume en suspend au dessus du parchemin, le regard toujours rivé sur le ciel, elle eu soudain la vision de cette affreuse marque dont elle avait entendu la description flottant au dessus de leur maison.

Elle secoua la tête. Non. Ça n’arriverait pas. Il faudrait être idiot et fou pour essayer d’approcher leur demeure, d’essayer d’attaquer Angus MacDougall.

Quelle idiote, voilà qu’elle se faisait peur toute seule en s’imaginant les pires scénarios possibles.

Elle ferait mieux de se remettre à travailler.

Dans le bocal installé en face d’elle, la flamme qu’elle avait fait apparaître dansait lentement, produisant une douce lumière et chaleur qu’appréciait la jeune serdaigle, parfaite pour travailler et se concentrer. Il n’y avait aucune distraction, aucun bruit qui ne viendrait perturber sa concentration. Rien hormis le fait de se faire surprendre à être en dehors de son dortoir à une heure pareille. Même si elle avait enfreint le règlement pour travailler et non s’amuser comme la majorité des élèves, elle se doutait bien que très peu de professeurs se montreraient indulgents avec elle.

Elle savait même qu’ils lui demanderaient de faire un effort, de faire fi du bruit de la salle commune comme tout le monde. Le problème n’était pas le bruit qui y régnait d’ordinaire. Elle arrivait très bien à travailler avec le léger brouhaha, les élèves qui échangeaient à propos de tout et de rien, qui débattaient ou qui faisaient des expériences qui se finissaient parfois en explosions. C’était une ambiance relative aux Serdaigle, cette espèce d’agitation liée à une volonté de toujours vouloir savoir, apprendre, connaître, tester ses limites. Mais là il était tout bonnement impossible de se concentrer avec la musique et les cris des élèves.

Elle se replongea dans les dates et les événements, sa plume grattant le parchemin et les carnets qu’elle avait toujours sur elle pour prendre des notes. Une fois qu’elle aurait terminé, elle pourrait commencer une ébauche du devoir demandé et ensuite passer aux sortilèges. Elle avait l’impression de ne jamais voir la fin de ses devoirs, à croire que les professeurs essayaient de les tester mentalement pour leurs ASPICS.

Où bien essayaient-ils de détourner leur attention des événements extérieurs ? C’était peine perdue. Tout le monde savait ce qu’il se passait, du moins en partie. Tout le monde en discutait. Même elle, elle en avait parlé avec les filles de son année, avec qui elle ne s’entendait pas, mais c’était différent cette fois ci. Elles avaient échangé leurs points de vue, assez semblables, leur craintes quand aux camps qui s’affrontaient et surtout l’incompétence des autorités, du ministère face à ces menaces. Ça devait bien être la seule fois où elles avaient échangé autrement que pour se moquer d’elle.

Absorbée par le fil de ses pensées, le coeur de Fanny manqua un battement quand elle vit une ombre se dessiner sur le sol de la salle de classe, avant de pousser un petit soupir de soulagement. Ce n’était qu’un chat et ce n’était pas Miss Teigne. C’était juste le chat d’un ou d’une élève, qui se promenait, c’est tout.

Le félin posa ses yeux sur elle un moment, étonné de découvrir une présence humaine dans la pièce, avant de finalement l’ignorer et d’aller sauter sur le bureau et approcha son museau du bocal, intrigué par la flamme qui y reposait. Heureusement, elle avait pensé à ensorceler le bocal pour qu’il ne se brise pas et la flamme ne pouvait pas lui faire de mal. Un avantage non négligeable, surtout en ce moment. Ce qui ne l’empêcha pas de murmurer.

« Si j’étais toi je ne ferais pas ça. Tu vas nous attirer des ennuis ! »

Il l’ignora superbement, approcha sa patte du bocal timidement plusieurs fois. Fanny le regarda tenter d’attraper la flamme en souriant, avant de se replonger dans son travail. Ce n’était pas cette boule de poil qui allait la déconcentrer pour le coup.

La chat poussa un petit miaulement de protestation face à la flamme qui ne se lassait pas attraper, au même moment où la porte de la salle s’ouvrit. Cette fois ci, Fanny sursauta si fort qu’elle faillit tomber de la chaise. Elle tourna la tête, se mordit la lèvre et pria mentalement Merlin pour que la silhouette qui se dessinait ne soit pas celle d’un professeur, mais celle d’un élève.

Raté.

Paniquée, elle chercha en vitesse le meilleur moyen de justifier sa présence ici sans s’attirer une punition trop lourde ni faire retirer des points à sa maison, après tout si elle était là c’est parce que les autres faisaient la fête, alors qu’ils n’en avaient pas vraiment l’autorisation et ne voulait pas leur attirer d’ennuis.

Mais elle fut prise de court par les paroles du professeur. Il s’excusait. De la déranger. N’était-ce pas l’inverse d’habitude ? Merlin, elle était dans quelle dimension là ?

« Euh…. »

C’est tout ce qu’elle trouva à dire. Elle jeta des coups d’œil paniqués autour d’elle, alors que c’était parfaitement inutile. A part le chat qui continuait de jouer, personne ne viendrait à son secours.

Elle pris une inspiration, avant de se reprendre.

« Je suis désolée professeur… je sais que je ne devrais pas être ici mais je n’arrivais pas à me concentrer alors… je vais remonter dans mon dortoir, ça ne se reproduira plus. »

Elle lui jeta un regard suppliant. Elle ne voulait vraiment pas s’attirer d’ennuis mais ne voulait pas non plus passer pour une fayotte.
A dire vrai, elle ne connaissait pas beaucoup le professeur Selwyn, elle ne savait pas si il était du genre sévère ou conciliant.

« Je ne faisais que travailler, je vous le promet. »

Elle désigna le bureau où se trouvait ses livres et ses feuilles de notes, ainsi que le chat, qui n’avait pas du tout été perturbé par cette intrusion, toujours aussi captivé par les flammes enfermées dans le bocal.

C’était tout de même bien plus agréable de travailler dans le calme qu’avec tout le brouhaha autour d’elle, même si se retrouver seule dans une salle de classe, avec pour seul éclairage une flamme dans un bocal pouvait sembler bien inquiétant pour certains, c‘était une ambiance parfaite pour Fanny. Si elle n’aimait ni le bruit, ni l’agitation et la foule, paradoxalement, elle s’était habituée plus vite que les autres à l’ambiance particulière du château, aux couloirs sombres et humides, aux fantômes et au vent qui soufflait dans les fenêtres certains soirs. Cette ambiance, c’était aussi celle qu’elle connaissait depuis toute petite.

Elle n’avait certes pas grandit dans un château comme celui là, mais dans un beaucoup plus petit, mais qui abritait son lot d’histoires et de légendes, de fantômes, tous les châteaux en Ecosse en avaient, bien que Fanny n’ai jamais croisé sa route, il devait sans doute somnoler quelque part dans le grenier, lassé d’avoir eu a hanter des générations de MacDougall et qui n’aspirait désormais qu’à un repos éternel calme. Quand au froid et à l’humidité… ce n’était pas vraiment un problème, bien qu’elle avait en horreur les midges qui étaient bien trop présents à son goût lorsqu’elle voulait se balader dans la nature, bien qu’avec un répulsif magique, les bestioles la laissait tranquille, c’était une véritable plaie.

Quand la porte s’ouvrit, elle ne pu s’empêcher, en constatant qu’il s’agissait d’un adulte et non d’un élève ou même d’un fantôme, de baisser la tête, penaude, comme lorsqu’elle était enfant et qu’elle avait été surprise à faire une bêtise comme jouer avec le matériel de peinture de son père. Pour un peu, elle n’aurait pas été surprise d’entendre sa voix tonitruante la houspiller parce qu’elle enfreignait le règlement mais le professeur Selwyn avait l’air aussi surpris qu’elle. Bon, en même temps, elle se disait qu’il devait plutôt avoir l’habitude de tomber sur des élèves comme Sirius Black ou James Potter, à faire les quatre cents coups plutôt que quelqu’un comme elle, à faire ses devoirs. Ça devait lui changer.

« Je… euh… oui c’est ça, je herchais un endroit calme, mais mes camarades sont… un peu agités ce soir. Vraiment ? Merci, c’est gentil de comprendre… je cherchais juste un peu de calme, rien de plus. Dans votre bureau ? Vous êtes sûrs ? Enfin je ne vais pas en profiter pour y mettre la pagaille mais si j’ai terminé avant que vous aillez finis votre ronde ou l’inverse ? »

Elle ne pu s’empêcher de le regarder comme si il venait de lui annoncer que la Terre était plate. Elle n’arrivait pas à déterminer si l était sérieux ou essayait de lui tendre un piège. Mais son idée était tentante, au moins elle y serait plus tranquille malgré les craintes exposées exposées précédemment.

« Merci… oh c’est juste que je tenais à terminer mon travail, je dois le rendre bientôt, autant ne pas traîner. »

Elle tourna la tête vers le chat, esquissant un petit sourire.

« Il avait envie de se dégourdir les pattes, c’est tout, mais c’est vrai qu’il serait mieux avec sa propriétaire, au chaud. Il fait froid ici, il pourrait tomber malade. »

Elle comprenait l’angoisse de cette fille, elle aussi n’avait pas pu s’empêcher d’avoir peur pour son chat les premiers jours, alors qu’il partait explorer les environs. Elle avait eu peur qu’il ne se perde ou se fasse mal en tombant dans les escaliers, mais, un sixième sens sans doute, ce dernier ne s’était  jamais laissé surprendre par les petites surprises de ce genre.

Observant son enseignant s’approcher du chat, elle continua de sourire avec douceur. Le chat ne semblait pas trop craintif, au moins ça ne serait pas trop compliqué de le ramener jusqu’au dortoir, bien qu’elle espérait pour lui que ce ne soit pas celui des Serdaigle, déjà parce qu’il y aurait tout u tas de marches à monter et qu’en plus il devrait sûrement se confronter à l’énigme du heurtoir mais aussi parce qu’il risquait d’entendre le boucan que faisaient ses camarades et elle n’avait pas spécialement envie de leur attirer des ennuis et de perdre des points.

Le chat semblait même affectueux, il avait été donné un petit coup de tête sur la main du professeur, qui semblait lui avoir été surpris. Après restait à savoir si il allait se laisser prendre dans les bras d’un parfait inconnu aussi longtemps, ça serait dommage qu’il ne se remette à carapater dans les couloirs si près du but.

« Je crois qu’il vous faudra quelque chose pour attirer son attention, il m’a l’air d’être un petit fugueur. »

Sans attendre plus longtemps, elle attrapa une des pages de son carnet qu’elle déchira, puis elle se mit à la plier plusieurs fois, de manière à former une petite souris. Bon, ce n’était pas parfait, mais c’était mieux que rien. Elle sortit ensuite sa baguette et la pointa sur l’origami, qui se mit à s’agiter doucement, attirant la curiosité du chat.

« Ça devrait l’occuper sur le chemin, je ne sais pas où se situe le dortoir, mais ça vous aidera à ce qu’il se tienne assez tranquille sur le chemin. »

Quand elle faisait ce tour avec son chat, ce dernier jouait pendant des heures avec et le sortilège évitait qu’il ne se blesse avec le papier et de se retrouver avec une boule pâteuse à la place de l’origami.